Rubrique 19: LES CONFLITS D´INTERETS DANS LE CADRE DES MARCHES PUBLICS

21 mars 2016 Accueil , Editorial
Rubrique 19: LES CONFLITS D´INTERETS DANS LE CADRE DES MARCHES PUBLICS

 

On peut considérer qu’il y a conflit d’intérêt lorsqu’une autorité contractante, personne morale de droit public ou personne morale de droit privé est confrontée à une situation dans laquelle l’intérêt de la chose publique est mis en balance avec son intérêt patrimonial.

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a proposé comme définition: «Un « conflit d’intérêts » implique un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités.»

Dans tous ces cas, les concernés peuvent se voir empêcher de participer à la commande publique.

Il y a d´autres situations où l’existence d’un tel intérêt est présumée :

  • en cas de parenté ou d’alliance jusqu’à un certain degré entre la personne chargée d’un service public et des candidats ou soumissionnaires ;
  • lorsque la Personne responsable d´un marché public est propriétaire ou copropriétaire d´une entreprise soumissionnaire ou encore, que cette personne est impliquée directement ou indirectement dans la direction ou la gestion de ladite entreprise. Dans ce cas l´intéressé peut recourir à la cession de ses actions avant de participer à la commande publique.

Les dispositions de l´article 132 du décret du 17 mai 2005 portant organisation de l’Administration Centrale de l’État s´érigeaient déjà comme des balises pour éviter des situations de conflit d´intérêt dans l´Administration publique. Elles sont claires et sans aucune équivoque: « Les Entreprises Publiques ne peuvent passer de contrats ni avec les membres de leur personnel ni avec les conjoints de ces derniers ».

Pour prévenir les conflits d’intérêts dans les marchés publics, le législateur haïtien a inséré des dispositions phares dans l´article 22 de la Loi du 10 juin 2009 fixant les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de concession d’ouvrages de service public, reprises à l´article 46 de l´Arrêté du 26 octobre 2009 précisant les modalités d’application de ladite loi. Il y a lieu de reproduire le texte en question:

« Ne peuvent obtenir de commande ou de sous-traitance de la part de l’État, des collectivités territoriales ou des organismes autonomes :  

  1. les personnes morales en interdiction judiciaire, en faillite constatée ou déclarée et les personnes physiques en déconfiture ;
  1. toute personne physique condamnée pour un délit ou pour un crime suivant une disposition du Code Pénal par un jugement ayant acquis l’autorité de la chose jugée, ou toute personne morale qui est sous le coup d’une condamnation pour violation des Lois Fiscales et de toutes autres condamnations prévues par la Loi ;
  1. toute personne physique ou morale qui, à la suite de la soumission d’informations inexactes ou d’un manquement grave à ses obligations contractuelles et qui, après avoir été invitée au préalable à présenter ses observations par écrit, est temporairement exclue de la passation des marchés par décision motivée de la Commission Nationale des Marchés Publics;
  1. les entreprises dans lesquelles les membres de l’entité administrative contractante ou du comité d’ouverture des plis et d’évaluation des offres possèdent des intérêts financiers de quelque nature que ce soit ; 
  1. les conjoints des employés publics et des fonctionnaires de l’entité administrative contractante ainsi que leurs parents et alliés au deuxième degré ; 
  1. les entreprises affiliées aux consultants ayant contribué à préparer les dossiers d’appel d’offres ou de consultation ; 
  1. les entreprises qui ne se sont pas acquittées de leurs obligations en matière d’impôts ou de cotisations sociales ….; 
  1. les agents publics de l’État en général, des collectivités territoriales, des organismes autonomes à caractère administratif, culturel ou scientifique, les agents des entreprises publiques et des entreprises mixtes et leurs conjoints ; 
  1. les membres et le personnel du Pouvoir Judiciaire et leurs conjoints ;
  1. les membres du Pouvoir Législatif et leurs conjoints ;
  1. les membres du Pouvoir Exécutif et leurs conjoints, leurs représentants ou mandataires ;
  1. les dirigeants des institutions indépendantes et leurs conjoints ; 
  1. les personnes morales dont l’un des associés est fonctionnaire de l’administration, maître d’œuvre ou maître d’ouvrage ;
  1. les personnes ou sociétés qui n’ont pas obtenu de quitus fiscal ; 
  1. les personnes physiques ou morales qui sont sous le coup de la sanction prévues aux articles 91-1 et 91-2 de la Loi du 10 juin 2009 …».

Au point 6 de l´article sus cité, le législateur prévoit une incompatibilité qui ne vise pas spécifiquement la prévention de conflit d´intérêt mais la garantie de l´égalité de traitement des soumissionnaires. Selon cette disposition, peut être exclus d´une procédure de passation de marché public un candidat ou soumissionnaire qui a été chargé de la recherche, de l’expérimentation, de l’étude ou de l´élaboration du dossier faisant l´objet du marché, si bien entendu ces prestations lui confèrent des avantages compétitifs qui peuvent notamment empêcher ou fausser la concurrence.

Si une des situations susmentionnées surgit, le concerné devra se soumettre aux dispositions légales prévues à cet effet.

L’Arrêté du 2 avril 2013 définissant la Règle déontologique applicable aux agents de la Fonction Publique a traité cette question en ses articles 67 et 70.

Les candidats ou soumissionnaires, les agents de l´autorité contractante ainsi que toute personne intervenant à quelque titre que ce soit dans la chaine de passation de marchés qui sont auteurs de fautes personnelles commises lors de la passation des marchés publics sont tenus de réparer les dommages résultant de leurs actes.

Pour clore cette rubrique je rappelle que les marchés publics sont exposés aux risques de corruption. Leur régulation devrait être confiée à une entité affranchie du gouvernement. Un système de marchés publics performant est un indicateur de bonne gouvernance faisant appel à l´implication de chaque citoyen à travers leurs élus. Ces derniers doivent contribuer à la saine gestion des marchés publics dont la validation finale revient à la CNMP sous réserve de l´avis favorable de la CSCCA qui fait l´objet d´audits commanditées par le Sénat de la République.

Claudie Marsan

Spécialiste sénior en Droit des Marchés Publics

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